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I08 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

C'était l'époque où d'autres mères de famille com- mençaient à penser aux trousseaux de leurs fils de douze ans qui allaient partir pour le collège. Dans les maisons on voyait des mètres de toile éparpillés sur des chaises, et des ciseaux qui hardiment mordaient dans cette blanche étendue. Le fils de M""^ Frébault, lui, partait à dix-huit ans, six ans après les autres, et non pas pour le collège, mais pour le Couisslan. Ce n'est pas ici, allez ! Il faut compter une quarantaine de jours de traversée. Plus d'un mois ! Mais, n'est-ce pas ? du moment que c'est son idée... Les voyages, c'a toujours été sa marotte. Je me rappelle qu'à l'âge de sept ans il m'a demandé de lui acheter pour ses étrennes Le Chasseur de Plantes. C'est une belle histoire qui se passe dans les Indes, je crois. Moi je l'ai lue aussi, après lui, pour voir. Et puis avec son cousin Leclerc il ne sera pas malheureux. Ce n'est plus comme s'il partait tout seul, sans connaître personne. Là-bas il sera pour ainsi dire encore en famille: c'est une grande tranquillité pour nous. Certainement qu'ici l'on peut faire sa vie, Frébault et moi, on ne mourra jamais de faim, et je suis comme lui : m'en aller loin, seulement jusqu'à Corbigny, ça ne me dit rien ; nous avons nos habitudes. Mais il ne faut pas contrarier les vocations. Voyager, mon Louis a ça dans le sang. Et puis, ce qui n'est pas à dédaigner non plus, c'est que là-bas il gagnera beaucoup plus d'argent qu'ici. A trente ans, il peut revenir s'il veut, à ce que dit son cousin Leclerc, vivre de ses rentes, et se marier avec quelqu'un de comme il faut, une jeune fille qui aura une belle dot. Seulement, si ça arrive et qu'il habite avec nous, nous ferons monter notre maison d'un étage et nous serons

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