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1098 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

attendre d'un auteur si heureusement doué un livre plus substantiel et plus vivant. C'est ce livre que M™^ Blanche Rousseau vient de publier.

A la vérité. Le Rabaga est plutôt une longue nouvelle qu'un roman. Mais sous sa forme brève, resserrée, dépouillée, l'œuvre a toutes les qualités, toute la puissance d'émotion qu'on demande à un bon roman. Elle n'a point la forme du récit, et M™* Blanche Rousseau y reste fidèle au procédé qui lui avait réussi jusqu'à présent. Elle ne raconte rien, mais elle décrit avec un art à la fois instinctif et savant, une série d'images, de petites scènes, qui donnent au lecteur la joie de deviner le drame intime qu'elle a eu dessein de suggérer et dont elle dépeint le reflet dans l'esprit d'un enfant.

Le Rabaga ! Le titre est bizarre ; il étonne, plutôt qu'il ne prévient favorablement. Le " Rabaga ", c'est l'être funeste et mystérieux auquel une petite fille attribue, dans le secret de son cœur, tous les malheurs qui l'entourent et qu'elle devine sans les bien comprendre. Le Rabaga, c'est le destin d'une enfant de dix ans. D'une sensibilité éperdue dont tous les mouvements se traduisent immédiatement dans son imagination, la singulière fillette que M"'" Blanche Rousseau fait vivre, — et de telle façon qu'on ne la peut oublier, — désigne de ce nom qu'elle a inventé l'ensemble des forces inconpréhensibles et fatales qui doivent ruiner le pauvre petit bonheur des siens. Le père de cette fillette est un vieil homme découragé, son frère, un adolescent ardent, orgueilleux et un peu vain. Il s'amuse, il dépense trop d'argent, finit par en dérober à son père et celui- ci ayant découvert le larcin, il se suicide. La banale histoire ! Mais comme elle est terrible et mystérieuse aux yeux du petit être sensible qui la devine et ne la comprend pas. Qu'est-ce qui peut bien séparer, dresser l'un contre l'autre ceux qu'elle aime et qui devraient s'aimer aussi ? Quel est donc le funeste pouvoir qui pèse sur la maison et fausse les sentiments de tous ceux qui y vivent, si ce n'est le Rabaga \ Et en vérité, il prend

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