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CHRONIQUE DE CAERDAL ^^SS

voulu, pendant deux ou trois mois. Comme il en faut peu à la Cité, pour confesser sa faiblesse ! Tout son appareil ne tient pas contre la soudaineté des événements, et ne pèse rien devant la marée que l'énergie soulève. L'inondation de Paris l'avait déjà prouvé. La police a été aussi vaine que les parapets et les quais. Partout, on prévoit la guerre entre les peuples. Et on ne pense pas qu'on l'a chez soi. Les maisons sont pleines de conquérants ridicules, toujours vainqueurs sur le papier ; on arme sur les deux bords d'un fleuve trois millions d'hommes, prêts à s'égorger les uns les autres. Mais, dans Paris, six coquins résolus jettent la terreur sur toute la population. Et à Berlin, un bouffon, déguisé en capitaine, commande aux régiments : il a l'autorité, non seulement par ce qu'il l'usurpe, mais par ce que les hommes sont toujours prêts à la laisser usurper.

Tous les moyens de la Cité peuvent tomber aux mains de l'individu en révolte, qui se sert alors de toute la force sociale contre la société. C'est le seul cas, où la Cité nous soit, d'instinct, plus précieuse que la perfection même de l'individu. Elle prend soudain cet air sacré de la vie qu'un mortel danger menace. Elle paraît ce qu'elle est, une fleur exquise et délicate, ou mieux encore, un objet d'une finesse et d'une rareté unique, une merveille d'art, où entrent tant de vies entrelacées et diverses, que la sensibilité en est presque infinie.

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