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CHRONIQUE DE CAERDAL ^©53

çà et là, il n'en peut pas être une pour tous les hommes. Est ce un métier d'être bourreau ? Alors, le bourreau ne vaut même pas l'assassin.

Tout assassin, qui sait bien ce qu'il fait, est un anarchiste. Mais tout homme qui vit fortement est une espèce d'assassin. Quand .? Chaque fois qu'il se préfère. Ils me font rire avec leur bonté coutu- mière, et leurs prodiges du dévoûment paternel. Le père et la mère, dans ce grand amour pour leurs enfants, sont capables de tout contre les autres hommes et contre toute la vie. S'ils se sacrifient, c'est soi à soi, après tout. Montaigne, lui, ne se rappelle même plus s'il a eu trois ou quatre enfants. Voilà un homme. Ce n'est pas lui qui ravalerait tout le sens de la souffrance univer- selle à la maladie d'un poupon. Il n'est pas plongé nuit et jour dans les berceaux, à reniflailler les langes et à se barbouiller l'âme de lait. Tout ce lait sent l'aigre, les couches et le moisi sur les lèvres viriles. Les pères et les mères, ils tueraient bien le monde entier pour leurs petits. Quand un bateau coule, ils veulent me faire croire qu'il faut sauver l'un de ces gosses, qui sera peut être un pied plat ou un voleur, et qu'il faut noyer Rem- brandt ou Beethoven, de préférence. Qu'ils le disent tant qu'ils voudront, entre hommes d'Amé- rique. Mais, pour moi, je le nie. Je donnerais bien tous les enfants de l'Amérique, pour sauver la vie de Dostoïevski. Allons, Dostoïevski donnerait

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