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l'exécution double 1037

Son ouïe s'est affinée.

Certes !

Il entend remuer sur le mur qui clôt son jardin des Lotus les geckos avec leurs peaux à diamants, et pourtant, très loin d'eux, il boit du thé chez Fo-Chi.

Il est dans la pièce où des gens fument ; mais lui, boit du thé devant une fenêtre dont le châssis a été ouvert sur un léger vent qui vient du Canal et dans sa tasse se repro- duit en miniature la rue : en un petit bol à peine creux, un Pao-Tang — " Coureur de Sauce " — a versé un thé clair ; cet homme sentait l'huile à frire les sauterelles ; une brise tiède ride le thé et quatre grains de poussière noire s'agitent au fond de la tasse ; tout le breuvage trem- ble. Mais lorsque la brise ne passe plus, le liquide est immobile et soudain une minuscule foule partagée en deux courants contraires — gens en haillons ou vêtus de soie, traineurs de pousse-pousse attelés à leurs véhicules, chaises hermétiquement closes que portent des coolies — traverse la tasse : c'est une rue chinoise par le gros bout d'une lorgnette.

Brusquement, sur trois notes sonores qu'un Chinois qui accorde son Shamisen dans un coin de la blanchisserie tire de son instrument, il se revoit à Liverpool où il était de passage il y a des années et des années.

Sous les fenêtres de son hôtel défile un régiment de Gordon-Highlanders, hauts gaillards dont les genoux sont nus et les cuisses drapées de petites jupes vertes. Des cornemuses et des tambours jouent " Brian Baroo " et les soldats piétinent sur place en cadence, mais cependant ils avancent.

Le cœur de Hilaire a un sursaut et bat car le Shamisen

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