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DE LA FOI 995

être sauvée. Ah ! je prie Dieu chaque jour qu'il me donne la vie éternelle, mais je ne sais pas m'aimer comme un être promis à cette formidable dignité.

Je ne sais pas m'y préparer, la mériter. Ma passion est de ne rien toucher en moi. Non pas par sot contentement de moi-même : je ne me trouve pas parfait, je vois tout ce qu'on pourrait reprendre et redresser en mon âme ; il ne s'agit pas non plus d'une complaisance esthétique ; je ne pense pas que mes défauts soient aussi précieux que mes qualités, aussi utiles qu'elles à mon har- monie intérieure ; je me moque de la beauté ; elle n'a rien à faire ici où mon âme est en jeu. — Mais je suis en proie à l'admiration, à l'admiration toute pure et telle que l'entendait Descartes, c'est- à-dire à l'étonnement. Cette passion est de toutes la plus terrible, parce qu'elle les précède toutes. Aucune autre ne peut la compenser, la rattraper, parce qu'elle n'en laisse se produire aucune autre. Son vice n'est pas de me faire revenir sur moi- même ; elle n'est pas la réflexion du dilettante, le regard en arrière qui s'attarde et s'amuse ; elle est une pensée trop courte, un plaisir qui me saisit trop tôt. Et comment lutter là-contre, comment vouloir là-contre ? Je n'entreprends rien que comme suite d'un désir. Et tout désir est le pres- sentiment d'un plaisir. Mais que faire si je trouve

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