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LETTRES A FANNY BRAWNE 955

liqueur de pavots pour me griser — écrivez les mots les plus doux et les baisez afin que mes lèvres puissent au moins se poser là où se seront posées les vôtres. Pour moi, je ne sais comment exprimer ma dévotion à une créature aussi belle : il me faut un mot plus éclatant qu' " éclat ", un mot plus beau que " Beauté ". Je rêve toujours que nous soyions des papillons qui n'ayions à vivre que trois brèves journées d'été — et ces trois jour- nées, s'il m'était donné de les vivre avec vous, contiendraient pour moi plus de félicité que cin- quante années de vie ordinaire. Mais, si égoïstes que puissent devenir mes sentiments, j'espère qu'ils ne déteindront jamais sur mes actes : comme je vous le disais, un ou deux jours avant de quitter Hampstead,je ne retournerai jamais à Londres, si la destinée ne met pas le Mistigri ^ dans mon jeu, ou tout au moins une des hautes cartes.

Quoique, à vrai dire, je pourrais concentrer en vous tout mon bonheur, je ne puis prétendre à accaparer aussi complètement votre cœur — en vérité, si je pensais que vos sentiments pour moi égalent ceux que vous m'inspirez, je crois que je ne résisterais pas à accourir vers vous dès demain,

' Ev'n mighty Pam, that kings and queens o'erthrew, And mow'd down armies in the fight of Loo, Sad chance of war ! now destitude of aid, Falls undistinguish'd by the victor Spade ! —

Pope's Râpe oftht Loch, iii, 61-4.

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