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876 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pittoresque, à l'effet le plus sensationnel. Tout son livre aboutit à cette médiocre farce : l'âme de Lerne se déchargeant dans le mécanisme d'une voiture automobile, laquelle réagit désormais spontanément, à la façon d'un animal doué d'instinct, d'intelligence et de volonté !

Quelles que soient, cependant, leurs lacunes et leurs insuf- fisances, on ne lit pas sans plaisir les deux volumes abondants de M. Maurice Renard. Ils nous agitent l'esprit. Ils donnent le branle à l'imagination. Même s'ils manquent le but, ils ont pour eux ce charme et cette vertu, auxquels je ne puis rester insensible, de s'efforcer à V invention...

��Est-il rien de plus beau qu'une histoire inventée ? rien de comparable au don merveilleux du conteur arabe ? rien de plus ému, de plus exalté, de plus libre que l'attente où nous tient suspendus un long récit bien composé ?

Ceux-là me comprendront qui connaissent la passion de lire, et cherchent dans la lecture un prolongement de leur propre existence ; ceux qui, détachés d'eux-mêmes, ont suivi les héros des romans, s'engageant avec eux dans toutes leurs erreurs, parmi leurs diverses amours et leurs variables fortunes ; ceux qui trouvèrent aux livres cette vertu de changer la vie, dont parle Rimbaud. Perfide comme le goût des voyages, il est sans doute corrupteur, mais non point frivole à mes yeux, — peut- être le moins frivole de tous — cet appétit des hommes pour des récits où l'homme est révélé, selon toutes les disponibilités de sa nature incertaine, et dans toutes les postures, au contact d'événements imprévus et sans nombre ; où la vie est feinte plus vivace, plus copieuse, plus étrange que ne l'avaient rêvée des cœurs paisibles. Dans l'attention qu'elle prête au récit, l'âme se dilate et se multiplie. Elle a déjà découvert et fait siens mille sentiments, mille actions, mille aventures. Mais elle se prépare à l'accueil de cette chose qui n'a pas été dite, qu'elle

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