Page:NRF 7.djvu/846

Cette page n’a pas encore été corrigée

840 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

besoin du poison jaune, ni d'une mortelle fumée, si elle se gouverne dans le jeu, dans le caprice, et jusque dans l'oubli de soi, quelle séduction ne sera pas la sienne ?

Ne plus tenir à rien, que par la jouissance d'une pensée qui comprend tous les objets de la vie, et à mesure s'en détache ! La tentation, parfois, est grande d'envier ces maîtres de l'infini divertisse- ment. 11 semble qu'ils aient seuls raison. Ils ont vu la vanité de tout, et c'est pour jouir de tout ; ils se gardent bien d'en gémir et d'en désespérer. Comment jouit-on, en vérité, sinon un peu par la chair, et toujours par l'esprit ? L'intelligence est le répertoire toujours neuf, la bibliothèque aux éditions uniques, tirées pour un seul possesseur, de toutes les sensations et de tous les sentiments qui passent au crible de la nature humaine.

Certes, tentation. Tout goûter, et ne rien voir, ne rien éprouver que pour soi. Une âme souple, une pensée flexible, que la rigueur irrite à peine, et qui se détourne de la foi, comme d'un hôpital à toutes frénésies. Oser, dans la vie intérieure, ce que tous les hommes méditent dans leurs désirs, ou peu s'en faut, et qu'ils masquent tous dans leur conduite, qui est : ne croire à rien qu'à son plaisir, et le servir. Et d'ailleurs, on peut le mettre fort haut. C'est le vœu de la chair, que l'esprit seul exauce ; mais l'esprit est dupe dans la plupart des hommes : il est si faible, et la chair forte. CueiUir

�� �