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788 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

aux apprêts du départ, il me faut donner de la voix, feindre la plus vive irritation, secouer quelques pochards. D'un air nonchalant, le nagadi, enfin, pour le mener au Kassam, assemble son troupeau épars sous les ombrages. — Convoi de dromadaires qui, tandis que je déjeune, s'arrête près de nous. J'admire la fraîcheur, la propreté des bêtes qui, d'elles-mêmes, en attendant qu'on les décharge, vont se grouper en ruminant autour d'un bouquet d'arbres. Pas un accroc, pas un pli dans leur poil net et laineux. Quel contraste avec nos mulets pelés, affreux, l'échiné à vif, couverts de plaies qui suppurent et où les mouches se posent. En travers de la bosse, une claie de roseaux est jetée, sur quoi repose le bât de bois en forme de toit. La charge de caisses, de couffes, de ballots, de chaque côté, s'y répartit également. Chacun a le museau lié d'une corde de sansevière qui s'attache à la queue de celui qui précède. Des Somalis les conduisent, beaux hommes élancés, bronzés, la chevelure tombant dans la nuque. Un court caleçon de toile enveloppe leurs reins ; ils marchent les bras étendus sur un long bâton qui passé derrière les omoplates fait saillir la poitrine. Une à une, sans désordre, sans hâte, ils laissent, du haut des bêtes, glisser les charges dans l'herbe. Des caisses disposées en carré, ils se façonnent ensuite un abri que le bât, puis le tapis de roseaux recouvrent : c'est là-dedans qu'ils passe- ront les heures chaudes du jour, qu'ils dormiront ce soir... — Après le déjeûner je rôde longuement autour de leur campement. Sous un mimosa, un beau garçon, bien musclé, l'air dur et gai à la fois, gratte une façon de guitare sans voix. Musique confidentielle : seul le musicien penché sur la petite caisse de bois en surprend le murmure

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