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JEAN MORÉAS 74 ^

D'un bout à l'autre des Stances^ jamais la confi- dence ne se précisera, ne s'étendra davantage. D'ordinaire même, Moréas procède par allusions plus brèves, plus discrètes encore, comme pour dèsindividualiser le plus possible cette œuvre lyrique :

Le mal que tu m'as fait et ton affreux délire Et tes pièges maudits...

On le notera au passage : Moréas emploie volontiers les adjectifs généraux ou abstraits, affreux^ maudit^ ailleurs horrible^ exécrable^ qu'affec- tionnaient les tragiques du XVI I^ siècle et que l'abus qu'on en fit après eux banalisa : mais par l'atmosphère où il les transporte, par l'espace, si je puis dire, et la solitude dont il les entoure, il leur rend toute leur force originelle :

Ah ! fuyez à présent, malheureuses pensées,

O colère, ô remords, Souvenirs qui m'avez les deux tempes pressées

De l'étreinte des morts...

Pendant que je médite, agitant les pensées

Où le noir destin m'a rivé, J'entends le bruit du vent dans les feuilles blessées

Qui viennent couvrir le pavé...

Mais de ces noires pensées le poète, s'il ne permet pas qu'elles l'accablent, n'essaie pas non plus de se divertir. Un faible cœur ne veut retenir de la vie que les sourires et considère le mal et

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