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LES ROMANS 69 1

Elle est aussi plus arbitraire. Choisir dans un objet ce qu'on croit être le détail essentiel, c'est non seulement le mutiler, c'est en venir petit à petit à n'y choisir que ce qui vous plaity puis, par une transition insensible, ce qui plaît au public, ce qui s'accorde avec une certaine forme plus ou moins éphémère de sensibilité. Et voilà la porte ouverte au dilettantisme, à l'art des amateurs, puis à la frivolité.

En dépit des gens qui se réclament, à tort ou à raison, de la philosophie de Bergson, l'univers n'existe pour nous qu'autant qu'il est perçu par les sens et ensuite /^«j^'. Nous pensons dans l'espace et avec des représentations spatiales. L'art intellectuel est donc une chose qui se sent, qui se voit et qui se pense. C'est une forme complète de la connaissance, qui, à l'explication scientifique des effets et des causes, substitue le déroulement représentatif des phénomènes, mais dans un ordre tel que cette représentation se résolve en une idée, qui est elle-même, à sa façon, une explication du réel.

��Si l'art intellectuel vise à donner l'illusion du déroulement de la vie, aucun des moments de cette évolution, quoique à des degrés divers, ne doit nous être indifférent. Même ce qui nous paraît mort, et, comme on dit aujourd'hui, solidifié par l'habi- tude, requiert l'attention de l'artiste. Cela signifie de la vie passée, ou cela explique de la vie actuelle.

De là l'importance de la description dans cette méthode. Sou- mission entière à l'objet, telle est sa première règle. Il plaît au sentimental d'isoler, dans la réalité, tel détail, comme plus signifiant pour lui, et de rejeter tout le reste. L'intellectuel veut savoir tout le détail, parce qu'il espère arriver ainsi, en poursuivant la réalité à travers le plus grand nombre de ses manifestations, à la cerner de plus près. Il ne s'ensuit pas que l'artiste doive tout décrire indistinctement. Il est trop évident

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