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686 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

toujours costumée, souhaitant enfin d'épurer à la fois sa pensée, sa forme et son style. Il semblait que les moyens stricts — en théorie

— d'un Gautier ou d'un Banville, les lestes strophes tombant net dont savait jouer Ronsard, la rime même et son gai rebondisse- ment eussent dû porter à merveille une inspiration d'essence plastique, animée tout juste d'assez de mouvement pour signifier la vie, sans pourtant "déplacer les lignes". Libre était à ces poètes d'interpréter ainsi la Grèce, que Leconte de Lisle peignait rude et barbare ; mais encore fallait-il un peu de feu sacré, et d'autant plus qu'ils s'imposaient plus de modération apparente. Hélas ! ce feu cessait de brûler en Banville dès qu'il s'arrêtait de jongler ou de célébrer son temps. Il ne pouvait aborder l'Attique rêvée sans se guinder, se faire plus digne et moins vivant. — Relisons ses Rondels, et surtout ses Ballades à la manière de Villon ; relisons Gringoire et Florise : il y a mis le meilleur de son âme ; et, de grâce, laissons en repos ses poèmes ambitieux : ils témoignent que même en lui, celui qui avait l'âme la plus pure, l'art parnassien hellénique aura fait faillite ; il est condamné sans recours.

Mais combien haut nous devons le placer, le poète ébloui,

— le mot est d'André Gide — qui, à quelque vingt ans de là, en pleine recherche de libres rythmes et de nuances, ressaisit le même instrument, exalta la même lumière et anima enfin de son génie l'ode parnassienne que le froid de la mort gagnait ! Si le Parnasse païen trouve sa raison d'être dans une œuvre plus qu'honorable, ce n'est pas seulement dans les Trophées, où se condense en effet sa dure vertu, mais aussi, mais surtout dans les Odes de Signoret, auxquelles notre temps s'est montré si injuste.

Airain noir, la cuve des mers Tonne, crépite, écume et fume ; Aux bords toute foret s^ allume Tout brûle : arbre, pierres et chairs.

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