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LA FÊTE ARABE 637

leurs dents pour humer le jus noir qui sort de ces bestioles. Quand enfin on rencontre un puits, les caravaniers novices se précipitent sur l'eau, mais les vieux les arrêtent. Ils font dans quelque gamelle un épais sirop de dattes, on s'en rince la bouche, on le boit lentement, on mange un peu de galette ; alors seulement il est permis d'étan- cher sa soif à longs traits.

Mohammed était de ces gens là. Rien n'échappait à ces yeux de Nomade qui savent, après des mois, retrouver à la piste une bête égarée et reconnaître à la seule trace de ses pas si une femme est laide ou jolie. Par lui j'étais au courant de tout ce qui se passait dans l'oasis, de toutes les louches intrigues que les Gonzalvez et les Mammo tramaient avec la pègre indigène. " Viens, me disait-il fréquemment dans son langage imagé, viens oublier au milieu des gens de ma tribu les tristes habitants de Ben Nezouh. Le pays où a souffert ton orgueil quitte- le, quand même ses murailles seraient bâties avec des rubis. "

Et certes, ce n'étaient pas de rubis qu'était bâtie la nouvelle Ben Nezouh ! Mais justement c'était l'orgueil qui m'y retenait encore. Et puis on ne vit pas dans un pays, on ne s'intéresse pas à une race, comme j'avais fait à Ben Nezouh, sans laisser prendre son cœur. Dans le Sud, comme partout dans le monde, la beauté est chose assez rare, mais elle oflfre, quand on l'y trouve, une perfection de formes qui ne saurait plus exister chez les races où le costume ajusté a remplacé la draperie, des membres fins sans maigreur, et surtout un éclat de peau que tout reflet irise et rend pareil à ces fruits dont on voit briller la pulpe sous une enveloppe lustrée. Je

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