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LA FÊTE ARABE 609

diables, dont les recettes des sorcières ou les talismans du Marabout avaient empiré le mal : un fiévreux qu'on avait coiffé huit jours d'un poulet ou d'un pigeon, pour que la chaleur de la bête attirât celle du malade ; un amoureux auquel la sorcière avait fait boire un mélange de lait aigre et d'urine de vieux juif, ou bien un mari infidèle à qui une femme jalouse avait servi, pour l'attacher à elle, un fœtus de chien ou de chat, farci de sulfate de cuivre, de soufre, de kemmoun et de kosbor. Je soignais de mon mieux ces pauvres gens, je tâchais de les arracher à leur efiroyable médecine, de leur faire accepter les drogues que je croyais leur être utiles, et, chose plus difficile encore, d'empêcher qu'ils prissent d'un coup des remèdes que je leur donnais pour être pris en un mois. Avec le temps ils perdaient de leur défiance, ils s'accoutumaient à moi, ils prenaient sans trop d'effi-oi le chemin de l'hôpital. S'ils avaient à la maison une femme, un enfant malades, ils me demandaient de venir, et c'est dans ces visites, devant ces misérables grabats, que j'ai appris à connaître cette race, à admirer sa tranquillité devant la mort, sa résignation, sa pauvreté supportée avec une noblesse unique, sa recon- naissance du bienfait, et surtout sa poésie, cette poésie religieuse qui n'est pas, comme chez nous, un miracle individuel, mais qui les enveloppe tous, et forme, pour ainsi parler, l'air dont ils sont nourris.

C'est alors, mon ami, que vous êtes venu. J'arrivais à cet âge où la contemplation pure cesse de vous satisfaire, et où, las d'admirer des spectacles dans lesquels on n'est pour rien, on éprouve l'étrange désir de se donner en spectacle à soi-même. Et puis c'est un effet du désert que des occupations médiocres vous paraissent plus médiocres

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