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440 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

heure infiniment plus que le mien. Ce juge, ce falot per- sonnage qui, de toute évidence, ne pensait qu'à flatter les gens entassés dans la salle, ce représentant de la nation conquérante, avec son âme de vaincu au milieu de tous ces métèques, m'apparaissait plus répugnant que l'affreux Mammo lui-même. Tandis qu'il s'écoutait complaisam- ment parler, je songeais au pauvre Khalife et je me disais à part moi : Evidemment s'il n'a eu pour le défendre contre cette racaille méditerranéenne, qui paraît triom- pher ici, que des gens de cette sorte, je ne m'étonne plus maintenant qu'il ait été débordé.

Cette dernière impression, le spectacle de ce Français sans force et sans dignité dans ce village exotique changea ma résolution. Du coup, je ne vis plus les difiicultés du voyage. Un sentiment profond de Français humilié dans son propre pays s'était emparé de moi. Je n'eus plus dès lors qu'une pensée : savoir enfin ce qui s'était passé là, comment en moins de dix ans un Français était devenu un véritable étranger dans une oasis algérienne, et les péri- péties du drame mystérieux, où toute une race avait sombré, entraînant dans son désastre notre civilisation même.

(A suivre.)

JÉRÔME ET Jean Tharaud.

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