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412 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ancienne et si charmante, si lointaine et si proche de nous, n'avait plus longtemps à vivre ; que la rhaïta et le bendir ne feraient plus longtemps résonner cet air sec et vibrant ; que bientôt toute cette soie, toutes ces mousselines, toute cette pudeur et cette volupté ne seraient plus qu'un sou- venir dans la mémoire de quelques rares voyageurs, et que la Fête arabe serait bientôt finie... A moins, à moins, me disais-je, que le Khalife ne réalise son rêve, ne remonte le cours des âges, ne force la destinée, et n'accomplisse le sublime miracle de réconcilier ici, dans une œuvre magnifique, notre civilisation et l'Islam.

Derrière nous, l'oasis s'enveloppait de poussière et de lumière orangée. Plus de musique ; seul, mainte- nant, le trot dur des chevaux sur la route pavée pour défendre la chaussée contre l'envahissement du sable. Au détour de la colline, les derniers palmiers disparurent et j'en eus le cœur serré. Adieu, adieu, Ben Nezouh ! charmante minute de ma vie, goutte de rosée dans la main, souvenir déjà enchanté. Combien j'ai été sage de laisser un beau jour tout souci derrière moi et de m'évader jusqu'à toi. Je me suis amassé un trésor de poésie dans une minute rapide. Je n'aurai qu'à fermer les yeux pour réveiller en moi les songes parfumés que fait naître l'Orient. Tu m'avais réservé des surprises étonnantes, la fraîcheur de tes jardins, l'eau vive de tes eaux, le mirage de tes sables, le retentissement un peu sauvage de ta fête, mais plus beau que tout cela, le rêve que fait pour toi, dans ta solitude embaumée, un homme de ma race. Ah ! qu'Allah vous protège. Khalife inattendu, vivante poésie d'un cœur conquis par l'Islam, prophète du désert, géné- rosité française I

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