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LE LOISIR DE CAGLIARI


On oppose volontiers l’homme de cabinet, l’homme de bibliothèque, à l’homme d’action, l’homme de rue. Quiconque se plaît dans cette sorte de pièce, retraite à usage personnel, que Montaigne appelait sa librairie, prend vite l’apparence d’un érudit plus ou moins maniaque, et l’on proclame qu’il vit hors de son siècle, ce dont beaucoup se hâtent de le blâmer. C’est faux, car le siècle vient le trouver, même s’il ne le sollicite pas. Chaque journal qu’il lit lui est un complaisant secrétaire qui accourt au rapport du matin, qui y apporte le monde entier, et qui semble organiser l’univers autour du lecteur. Et plus d’un parmi ceux qui vivent dans leur bibliothèque n’aiment le passé que par rapport au présent. Que seraient les livres s’ils n’étaient des documents humains et s’ils ne devenaient des outils de travail et de jouissance ? Ils aident l’homme de cabinet à partout et en tout retrouver l’homme. Comme c’est loin d’une besogne d’érudition ! Dans l’esprit de l’ami des livres toujours le perpétuel paraît sous le quotidien : et c’est là la joie qu’il recherche.