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308 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

fois admis, à la condition expresse qu'on entendît du moins les mots, qu'on pût suivre le sens précis de l'évolution intérieure des caractères ; à condition que comme chez Gluck, comme chez Rameau, comme chez Mozart, comme aussi chez M. De- bussy, le texte demeurât toujours à découvert et dominât le commentaire de l'orchestre. C'était l'occasion pour M. Albéric Magnard, si soucieux de tradition, de rénover la claire tragédie musicale du XVIIP siècle, quitte à en élargir le cadre, à en assouplir les moyens ; il avait choisi justement un sujet facile à décomposer en quatre ou cinq moments statiques, que des récitatifs pouvaient relier entre eux, et que pouvait magnifier l'expansion lyrique de quelques beaux " airs ". Quel que fût le mode adopté, plus ou moins strict, plus ou moins libre, du moins, la démarche psychologique de l'action réclamait de la paraphrase orchestrale et de la décla- mation, le maximum d'évidence et d'intelligibilité possible... Hélas ! M. Magnard, modeste, n'a prétendu ni créer, ni même rénover aucun style... Pour maître de clarté, il a choisi Wagner. Son drame, polyphonique par essence, construit sur des thèmes caractéristiques, sera, comme Tristan, symphonie continue ; les voix, instruments dans la symphonie, mèneront s'y perdre les mots, que nous y pécherons en vain...

On me répondra : " Suivez sur le texte ! " Excusez, je suis au théâtre ; mes yeux sont occupés par un spectacle qui est comme le reste, fonction de mon émotion. Si l'on veut que je garde le nez dans mon livre, pourquoi tant de mise en scène, dites-moi? pourquoi même jouer la pièce ? Je vois et tiens à voir ; voyant, je veux comprendre : i° ce que préciseront les mots ; 2" ce que développeront les sons. Je ne puis à la fois et m'intéresser par à peu près à l'action et me livrer tout entier à la musique. On me dira que je fais ainsi pour Wagner. Je répondrai que c'est folie et que j'ai tort ; mais qu'il a bien fallu céder, fût-ce contre le bon sens; que tout cède au génie... Mais Wagner, en nous imposant la " symphonie théâtrale ", ce

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