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LE THEATRE 293

son mépris, mais de vaincre son cœur, sa déception, son amer- tume, sa souffrance injuste. Il se jette avec plus d'âpreté dans le travail ; les difficultés finissent par céder à son obstination. Il va pouvoir fondre une statue de Caïn, où triomphera l'excellence de ses procédés. Une dernière trahison de Georges, un vol cette fois, provoque entre les deux firères une explication d'une violen- ce extrême où tous deux se crient leur haine réciproque et que termine le geste meurtrier de Pierre précipitant son lâche frère dans le bronze en fusion de la statue.

Un tel sujet mérite l'attention et l'estime par une certaine sobriété, par un désir de concentration et de vigueur, par cet efibrt de nouveauté psychologique dont nous parlions. Les violentes scènes d'explication ont fait grand plaisir au public ; ce n'étaient pas les meilleures de la pièce. Il y éclatait trop de cette brutalité toute matérielle qui en impose au spectateur mais qui n'implique pas toujours la force véritable. Le thème qu'avaient choisi MM. Charles Hell et Villeroy pouvait soute- nir une pièce puissante. Or malgré les grandes visées des événe- ments qu'on nous présente, malgré la statue de Caïn et la mort dans le métal qui bout, le drame reste un drame quotidien, un peu superficiel et médiocre. La puissance ne réside pas dans le tragique des péripéties, ni même dans l'héroïsme des sentiments, mais bien dans la solidité, dans la densité, dans la saturation, si je puis dire, de tous les éléments utilisés par le drame. Il ne s'agissait pas tant de lancer violemment ces deux frères l'un contre l'autre que d'établir leurs rapports plus étroits, plus émouvants. Il existe bien réellement des frères qui, comme Pierre et Georges, ont grandi sans action ni réaction l'un sur l'autre ; dont les dissentiments n'ont pas à vaincre d'affection vraiment organique et que leur intérêt oppose brusquement comme deux étrangers. L'analyse en a vite fait le tour. En vain l'auteur se jette dans les grandes périodes, ses personnages ont l'haleine courte. Combien plus émouvant, le cas de frères qu'on sentirait véritablement du même sang, tout mêlés l'un à l'autre

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