Page:NRF 7.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES ROMANS 285

paraît point monotone tant elle est nuancée. Et je pensais, en le lisant, qu’elle n’est sans doute pas si aisée à tenir, dans la mesure où nous la voyons chez Abel Hermant, cette attitude de l’esprit qui consiste à trouver, à montrer le défaut léger de de toute chose ; à faire à tout sentiment, à toute pensée, à toute institution une objection modérée. La notion d’"humour" pur décentre, déséquilibre, désagrège le spectacle du monde. Au regard d’une observation qui ne veut être ni sérieuse, ni convaincue, ni agressive, la vie perd toute cohésion et toute raison d’être. C’est une mêlée de fantoches dont le geste serait affreux, s’il n’était de si peu d’amplitude, si l’observateur n’apportait dans son cynisme même tant de prudence et de retenue. Et peut-être l’auteur d’un livre comme Us Renards sent-il parfois la lassitude de cette posture où il s’est mis de n’appuyer jamais sa pensée sur quelque chose de réel et de solide ; est-il tenté de changer de ton, et voudrait-il aplanir son esprit de ce faux pli qui lui fait tout prendre à rebours ? C’est une pratique un peu fatigante, justement parce qu’elle est un peu facile, celle du contre-pied. C’est une psychologie un peu courte, et il faut un bien grand talent pour la manier sans lourdeur, celle qui s’inflige systématiquement de montrer la doublure de toutes les affections du cœur, de renverser toutes les propositions de l’esprit, de dénoncer jusque dans ses plus faibles mouvements l’inconséquence des mœurs.

Les héros de M. Abel Hermant sont assez semblables aux personnages des revues de fin d’année. On se divertit d’autant plus au couplet malicieux que le compère leur décoche au passage, qu’on est plus avisé de leur identité et qu’on distingue mieux, sous leur poudre et leur fard, les traits de leur visage véritable. Ajoutez à cela que cette chronique romanesque étant rédigée presque au jour le jour, les sujets d’actualité qu’elle exploite sont un peu défraîchis déjà quand elle nous les présente. Et du moment que nous en avons vu défiler deux ou trois, nous nous attendons bien aux autres. Ils nous déçoivent