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patiente analyse, qui ne considère une face du caractère qu’en fonction des autres faces. De là, enfin, l’accord dans la vie, et surtout dans l’extrême amour, de ce qui est contrariété inintelligible pour l’esprit. »

Si divers et si un… Secret profond. Le plus inquiétant secret du créateur.

Tous ces personnages, ils sont bien « chacun totalement soi-même ». Mais, plus ils vivent, plus s’atteste entre eux l’énigmatique ressemblance qui les relie, d’une même onde, au giron poétique. Peut-être ne se ressemblent-ils pas… Alors c’est quelque chose de plus fort : le signe obscur de la parenté, le lien secret d’origine, la trace du mélange et de la confusion primordiale. Je sens qu’ils vivent sur les confins, sur les limites les uns des autres. Et c’est ainsi qu’ils s’aiment ou se haïssent, s’attirent ou se menacent de si près, si dangereusement. C’est ainsi que se propagent, parmi eux, de si soudaines, de si foudroyantes contagions. On dirait que chacun, étant trop plein de sa substance et de sa flamme, les laisse déborder. Et tout aussitôt, dans l’atmosphère saturée de vie où Dostoïevski ne peut plus penser sans créer, ce trop plein germe et s’informe : un être nouveau jaillit, tout voisin, tout prochain du premier, et qui va lui disputer l’existence, deviner ses sentiments ou ne point se retenir de lui livrer les siens ; et soudain le reconnaître ou se reconnaître en lui, avec délices, avec