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rayonner jusqu'à nous. Suarès a tout pénétré par une faculté moins fixe et moins froide que l’intelligence, plus clairvoyante que l’instinct. Sa découverte lui reste intérieure. Et l’émotion nous est ménagée de la redécouvrir en lui. Il a tout ravi à lui par l’appréhension de l’amour, par la force du cœur. Et c’est son cœur qu’il nous livre, outré de plénitude, gonflé d’une double connaissance et d’un double mystère.

« Le cœur est le moyen et il est le lieu. »

Pour nombre d’esprits, tout ce qui ne porte pas certaine marque de chez nous, nette et lisible, est suspect. Discord, ce qui n’obéit pas à certain rythme accoutumé. Informe, ce qu’on ne mesure pas « avec des barres et des ronds. » Malsain, ce dont l’arôme est insolite.

Ces esprits que j’ai dits se croient bien en santé parce qu’ils vivotent de régime ; bien sages parce que nulle tentation nouvelle ne vient plus solliciter leur paresseux appétit. Toute puissance inconnue est, pour eux, dirigée contre les disciplines qui les abritent. Elle menace l’équilibre où ils se plaisent, et qui consiste à s’abstenir.

Paul Claudel m’écrivait récemment : « On commence à donner à Dostoïevski la place qui lui convient, celle d’un des plus grands poètes que