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SUR LE DOSTOÏEVSKI DE SUARÈS


J’en sais qui, pour s’être approchés du « maître en toutes passions », ont senti se creuser dans leur sein un désir, que rien désormais ne saura combler. Dostoïevski ne veut être compris qu’éperdument. Il faut qu’on se donne à lui comme il se donne au monde. Ceux qu’il a nourris, de longtemps ne trouveront plus saveur ni suc à tout autre aliment. Ceux qu’il a touchés, garderont de ce contact une brûlure inguérissable.

Suarès offre son cœur à cette brûlure. Il l’y appuie, afin de la mieux éprouver, et pour qu’elle morde plus avant.

Entre tous, Suarès était digne d’entendre l’appel du « monde à part », où voici qu’il est descendu. Il en remonte vers nous, porteur de maints secrets que sa mission n’est pas d’élucider mais d’envelopper dans son propre secret, comme pour leur conserver chaleur et vertu. Les vérités qu’il ramène au jour, lourdes encore de leur origine, obscures de leur profondeur, il ne va pas s’en dessaisir. Mais sa propre vérité les exalte, et les aide à