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204 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à ce récit du maître d'équipage, revoyaient les îles odoriférantes, ils apercevaient, au travers du sou- venir, la côte américaine se levant du fond des mers avec ses cimes de neige, ses forêts géantes, ses troupeaux magnifiques et ses tribus libres.

Bientôt, animés eux-mêmes par l'attrait de toutes les choses qu'ils venaient d'entendre, les autres matelots et maîtres prirent part au débat, nar- rèrent à leur tour des aventures qu'à l'exemple de Selkirk, ils embellissaient des détails les plus imprévus ; mais, la voix de Selkirk, avec son timbre bien particulier, la conviction de ses pensées et l'ardeur de ses discours, planait au-dessus de celle des autres et la dominait.

Des heures et des heures, de Foë, tu fusses demeuré là, dans le cabaret fumeux, à entendre le récit de cet homme. Et tu pensais que, quand tu étais enfant, il y avait eu, jadis, dans Londres, chez ton père le boucher, une vieille nourrice qui savait des légendes, nommait les génies et les fées et qui contait pour toi des histoires belles et fabuleuses. Et, jamais, jamais depuis elle, la bonne nourrice qui était morte depuis longtemps, per- sonne n'avait su, autant que ce marin, te porter à un point plus haut de surprise et d'enchantement.

Selkirk relatait maintenant comment deux na- vires de Sa Majesté Britannique vinrent à passer, au printemps de cette année même, dans la mer Pacifique, en vue de Juan Fernandez. Lui, Sel-

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