Page:NRF 7.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

DANIEL DE FOE 145

qui ne touchât son penny, il n'y eut pas de pauvre qui ne reçût sa part du plum-pudding à la pâte dorée et au raisin sec.

Il y a, de cela, deux ans, Daniel. Et quel chemin, déjà, cela fait dans ta vie !

Le lendemain de tes noces, tu t'es établi bon- netier ; tu as ouvert une boutique sur la rue ; tu t'es retiré derrière un comptoir de chêne envahi de ballots, surchargé d'étoffes ; et tu as brandi les ciseaux, tu as manié l'aune ! Ils sont accourus aussitôt, de Cheapside à Saint John's et de Hol- born au Guildhall tous ceux qui ont une dentelle à acquérir, un ruban à nouer, à acheter deux draps pour l'amour ou un suaire pour la mort ! C'est là, n'est-ce pas, pour la première fois de ta vie, der- rière ton comptoir de Cripplegate, que tu sus ce qu'étaient les hommes et les femmes ; et ce qu'étaient la cupidité, l'envie, l'orgueil et la luxure apparut à tes regards sur les traits flétris ou charmants des uns et des autres : vétérans du temps du Protecteur vêtus de vestes de cuir toutes tintantes de croix et de médailles ; filles délicieuses et déjà fanées que Peter Lely avait peintes sous Charles II et dont les yeux brillants, les lèvres fardées et la gorge nue disent la dissipa- tion ; badauds de théâtre et cockneys revenus de la foire de Southwark ; mauvais drôles dont on ne sait, tant leur mine est chétive et leur habit parcimonieux, s'ils sont juges, pickpockets ou

�� �