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LES REVUES IO9I

méprise rien de ce qui l'entoure, mais dès qu'il ouvre les yeux, il se sent comme surpassé et confondu par l'étonnante merveille qu'est la réalité. " La fable '*, dit Chesterton " nous parle de fleuves de vin, pour nous rappeler l'époque merveilleuse où il y coulait de l'eau." Pour Jammes cette époque mer\^eilleuse n'a jamais cessé; ces eaux pures que le gave d'Orthez, bondissant sur ses degrés de marbre, lui amène des Pyrénées, ne s'épuisent pas plus que celles de cette quadruple source qui arrose le Paradis Terrestre. Ses premiers poèmes sont comme le Cantique des En- fants dans la Fournaise, et certes, la gloire de Dieu qui de toutes parts nous assiège et nous entoure, quand nous nous réveillons, quelque matin d'été, avec le soleil qui perce par tous les trous et toutes les fissures de la chambre, est une bien autre fournaise que celle de Nabuchodonosor ! Ce ne sont que de courts ta- bleaux, à chaque instant il y a autre chose à regarder; il n'a pas assez d'yeux pour voir, il désigne du doigt toutes ces grandes choses, si insignifiantes pour les gens de la ville et pour les âmes qui ne sont jamais nées. La création pour lui est inépuisable, il n'en demande pas plus ; quand il a fini de la contempler, il se penche tendrement sur elle, il met le nez dessus, il l'examine de son œil de myope comme avec une loupe. D la parcourt inlassablement, armé de son fusil de chasseur et de la boîte du botaniste. Il ne la regarde pas seulement, il la comprend : car Jammes n'est pas seuleirient un grand poète, mais philosophe comme un pâtre, un philosophe naturel très fin et très péné- trant.... "

De la dernière œuvre, de Francis Jammes, Les Geor^qufs Chré- tiennes, on a peu ou mal parlé jusqu'ici. L'audacieuse gageure que le poète a voulu tenir semble inquiéter les critiques. La monotone grandeur du sujet, le rythme régulier, tant de simplicité que n'égaient plus les rondes des jeunes filles, tant d'austérité enfin ont dérouté le grand public. Mais il ne manquera pas de se ressaisir bientôt et de pénétrer avec joie dans cette œuvre que Paul Claudel dépeint d'une image magnifiquement exacte :

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