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LES POÈMES 1067

de 1830, qui faisaient grief à Hugo de ses innovations verbales et n'admettaient en vers que mots éprouvés, usagés, classés. Mais il Y avait une part de vérité dans la religion de la péri- phrase ; elle affirmait dans sa sottise, la nécessité instinctive d'une transposition ; le registre de la poésie n'est pas celui du langage vulgaire. — Si tous les mots, je le répète, ont quelque lyrisme en puissance, aucun n'est poétique en soi, mais seule- ment par l'emploi que l'on sait en faire ; et s'il n'y a pas de mots poétiques, il y a un emploi poétique des mots. L'emploi qu'en fait M. Mandin me paraît parfois prosaïque et c'est là un penchant contre lequel je voudrais d'autant plus le mettre en garde, que dans cet ordre de recherche — les premiers vers que j'ai cités le prouvent — sa sensibilité propre se révèle souvent d'une exquise subtilité. Loin donc de prétendre le détourner d'une ambition philosophique dont il y a lieu pour lui d'être fier et dont je tiens à le féliciter, je voudrais qu'il se montrât désormais, même dans l'expression d'une pensée abstraite, le chanteur, le voyant qu'il est digne d'être ; le ton oratoire qui, lui aussi ressortit à la poésie et que je ne tiens nullement en dédain, le ton oratoire, à ce qu'il me semble, n'est pas le fait de l'auteur àiAriel.

La même restriction, je l'apporterai peut-être aux vers émou- vants de M. Lebey Sur une Route de Peupliers. Mais ici la forme est partout traditionnelle et le rhythme régulier équilibre plus aisément l'expansion lyrique et le raisonnement. Et les meilleurs ici sont encore les vers amoureux : goûtez le prolongement pathétique de cette strophe :

fat serré sur le mien ton corps plein de soleil Et dans la chambre fraîche a la pénombre sûre. Nous nous sommes aimés d^un élan si pareil Qu'il me parut atteindre au cœur de la nature.

M. Lebey est, lui aussi, un poète de l'ordre contemplatif.

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