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I020 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Elle refusa d'abord, avec véhémence, comme indignée, mais elle finit par prendre le billet de cinq cents francs que, de force, il lui mettait dans la main. Les économies que, là-bas, même du vivant de sa femme, il était bien obligé de faire tout en payant des verres aux " coteries ", repré- sentaient cinq ou six mille francs. Qu'il dépensât de l'argent, n'était-ce pas tout naturel ? Est-ce que, chaque Dimanche, quand la Bigre arrivait, le père Boussard n'allait pas chercher du vin à la cave ? Il devait, puisqu'il le pouvait, faire des cadeaux à sa fiancée, à sa future belle-maman. Marcelle était gentille. Peu à peu elle se laissait embrasser. Il eût juré qu'elle y trouvait du plaisir. Elle n'allait plus travailler. C'était toujours elle qui venait lui ouvrir la porte, avant même qu'il n'eût frappé. Elle lui disait :

— Je reconnais votre pas dans l'escalier.

Le mariage se fit en février, quelques jours avant le Mardi-Gras. Les invités n'étaient pas nombreux, mais Cougny étant riche, chacun put manger et boire comme quatre. Ponceau, un cousin que déjà Marcelle lui avait présenté, les fit bien rire. Le jour de la noce, Cougny le découvrit, apprit à le connaître. Lui aussi, c'était un vrai Parisien qui parlait des mecs et de la Bastoche avec l'accent voulu. A côté des siennes, les plaisanteries de Cougny paraissaient fades. Personne ne chantait comme lui de ces chansons sentimentales où le poète parle d'une lèvre amoureuse qui semble perdre la vie. Marcelle, habillée de blanc près de son mari vêtu de noir, regardait vaguement devant elle.

— Quel dommage, dit Cougny, que nous partions demain matin ! Mais j'espère vous revoir.

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