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LORD CHESTERFIELD 559

d'une conscience qui suffisent à la moralité de l'œuvre.

Quant à leiu- intérêt, on pourrait trouver qu'il est double, ou — si Ton préfère — qu'il se présente sous deux aspects dififérents. Il y a d'abord dans ces lettres tout un recueil possible de maximes, d'observations, et de remarques dont on retrouvera plus loin les plus frappantes, et qui suffiraient à donner à la correspondance l'attrait et l'utilité que l'on recherche dans les ouvrages des mora- listes. Lord Chesterfield a beaucoup vécu, c'est-à-dire qu'il a été mêlé à beaucoup d'événements et qu'il a gardé sa lucidité, au point de vouloir parfois les diriger. L'âge qui affaiblit en lui l'ambition ne fit qu'accroître ce trésor d'expérience qu'il ouvre à son fils afin qu'il 7 puise selon ses besoins ou sa convenance. Ainsi qu'il le dit lui-même, il parle par souvenir, non par imagination. C'est la partie la plus générale, ou si l'on veut, la plus utile de son œuvre. On y trouve sous forme de conseils une foule d'observations qu'il n'est pas facile de faire, soit que les circonstances n'en fournissent par la matière, soit que l'on se sente soi-même peu porté à cette analjrse de la vie qui n'est pas sans amertume.

Mais il est un second aspect de ces lettres que les extraits que Ton a cru pouvoir en faire n'ont point con- servé aussi fidèlement. A côté de l'homme d'expérience, il Y avait en Chesterfield l'homme de sentiment ; derrière le fi-oid courtisan, il y avait un père affectueux ; derrière le moraliste impassible et sceptique un homme qui souffi-ait et peut-être cruellement.

C'est qu'au fond de cette existence brillante, quand le permettaient les soucis des négociations, des intrigues, d'un mariage sans amour, des amours sans sincérité, il y

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