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494 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

un soir, au cœur de la saison où l'on cueille le houblon, alors que toute la société faisait une promenade après le dîner, il couronna Wilkie Collins d'une de ses guirlandes, juste au moment où nous passions devant l'auberge Falstaff où un grand nombre de cueilleurs de houblon étaient attablés devant la porte. Le pauvre Wilkie, à son grand dégoût, dut courir la bouline ^ devant les villageois qui le blaguèrent à coeur joie. Mon père, qui fermait la marche, était, je m'en souviens très bien, à demi étouffé de rire... "

Voici le passage concernant William Makepeace Thackeray :

" Bien des commentaires ont été faits, et le seront encore, sur la question de savoir lequel des deux romanciers (Dickens ou Thackeray) est le plus grand écrivain. Il m'a toujours sem- blé qu'il serait exactement aussi facile de comparer SmoUett ou Fielding avec Richardson, ou W^ordsworth et les Lakistes avec Lord Tennyson, que de mettre en balance ces deux écri- vains dont les méthodes de compositions furent si dissem- blables, et dont les caractères ont reçu leur formation dans des couches sociales si différentes. Quoiqu'il en soit, le fait est que chacun de ces écrivains avait la plus sincère et cordiale admiration pour les travaux de l'autre, et que leur amitié personnelle, commencée en 1837, lorsque Thackeray se pré- senta chez mon père pour lui offrir d'illustrer The Pickwick papers, dura, avec un très court intervalle — au sujet duquel ni l'un ni l'autre ne fut aucunement à blâmer — jusqu'à la mort de Thackeray, la veille de Noël, 1863.

Aux funérailles de Thackeray, à Kensal Green, mon père conduisit le deuil jusqu'au bord de la tombe. Je le menai en voiture de Gad's Hill à la station d'Higham, le matin où il se rendit à Londres pour assister à l'enterrement, et je sais com- bien il était affligé par la mort de son vieil ami. Par égard aux requêtes qui de toutes parts lui furent adressées, mon père écrivit un "In Memoriam " de Thackeray dans le Cornhill Magazine, périodique que Thackeray avait fondé et qu'il

^ Se dit d'un châtiment consistant à faire passer le condamné entre deux haies des matelots qui le frappent avec des garccttes ou boulines. En anglais : " to run the gauntlet. "

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