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434 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

défaites, l'arceau des côtes brisé, les vertèbres dispersées, les os livides, poreux, pareils à de la chaux. Pendant deux heures que nous cheminons là-dedans, nul passant, nul village, pas même une hutte isolée : on aspire à l'ombre flottante que ferait du moins quelque roche, un tronc d'arbre et où se détendrait le regard lassé de clarté, d'espace. Quel admirable horizon, pourtant, autour de nous ! Dans le limpide lointain, à mesure que nous avançons, des cimes, des sommets peu à peu se dessinent et s'arrondissent. Le cône du Zoucouala émerge lente- ment, indistinct encore, clair et pâle comme une nuée. Devant nous, la masse compacte de l'Errer et son pic dentelé vers quoi nous piquons droit : c'est à son pied que tantôt nous camperons. Derrière, graduellement découvert, un noeud de montagnes abruptes se tasse et se développe. A droite et déjà s'efFaçant, le Fouri, gris-perle et la bosse boisée du Wutchacha rapprochent lentement leurs murail- les qui d'Addis-Abeba, apparaissaient distantes, largement séparées. Des ombres passent sur leurs flancs. Le ciel spa- cieux est, en effet, tout encombré d'énormes nuages immo- biles, éclatants, dont la base aplatie est comme coupée par le courant de brise qui balaie les couches inférieures de l'atmosphère, mais ne les dépasse pas. Qu'elle s'arrête de souflfter, cette brise, et une subite bouffée de chaleur s'élève, suffocante, qui a tôt fait de nous mettre en sueur. Une sorte de frémissement en même temps circule au ras des herbes. Si desséchée que soit cette plaine, tout de même l'âpre soleil en sait tirer encore quelque souterraine et secrète humidité : c'est son évaporation qui fait, au dessus du sol, onduler l'air léger.

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