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NOTES 365

d'inestimables manifestations de sa volonté. Eternelles illu- sions des âmes débiles ! Au reste, ce malheureux, par un fol orgueil, dépense sa vie à lutter contre les forces profondes qui sont en lui. Cette mère est un des personnages les plus inté- ressants du livre. Magnifique exemplaire d'un type de femme qui disparaît, soumise au chef de famille à la manière antique; et considérant, dans une certaine mesure, son fils comme ce chef, respectable jusque dans ses erreurs, elle garde au foyer une dignité hautaine, et sur toute la maisonnée une autorité souveraine qui en impose a tous. Aussi bien a-t-elle imaginé un moyen de détacher son fils d'une liaison qu'elle juge indigne. Par une lente et mystérieuse prise de possession de cette âme assez humble même en ses fiertés, elle arrive à soumettre cette pauvre maîtresse et à en faire sa serv'ante. Et la malheureuse sentant son amant se détacher d'elle, accepte cet affreux avilissement. Le lecteur d'abord, de même que le héros du livre, en conçoit pour elle quelque mépris et quelque colère. Mais c'est le grand art des Tharaud que d'avoir donné à cette Mariette — elle se nomme Mariette — une certaine noblesse, la noblesse de la servitude, et il semble qu'à l'heure des apaisements et des regrets, quand la mère est morte, les yeux fermés par cette "servante", l'ancien amant la juge bien quand il dit, dans une image qui est très belle :

" Vous connaissez nos prés : même au cœur de l'été, ils crient sous le pas comme une éponge : l'eau retenue à fleur de terre par un sol de granit y court partout en rigoles, et souvent l'on trouve, au milieu, une nappe étincelante, un étroit réservoir carré qu'on appelle chez nous une serve, peut-être pour indiquer qu'une source est là prisonnière. Mariette m'a souvent fait penser à ces sources captives, elles sont là fidèles, abondantes, toujours prêtes pour les soins domestiques, et l'on y voit le ciel. "

On ne peut mieux apprécier certaines âmes nées pour l'obéissance comme d'autres sont nées pour le commandement, et dans le parallèle qui s'impose entre le caractère de cette Mariette et celui de la Mère, il y a un magnifique effet d'art.

Le mérite des Tharaud est de n'en avoir point voulu

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