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I06 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

graphes s'éclaircissent la voix, à petits coups d'appels brefs, d'un bout des fils à l'autre.

Les voyageurs ne votent pas. Les voyageurs n'ont pas de Municipalité à eux. Ils ne servent à rien dans les Comités. Ils prennent poliment les intérêts de leurs clients, et s'appliquent à ne pas confondre le Morin de Ribérac qui est réactionnaire avec le Morin de Thouars qui est radical.

La Place d'Armes est un meeting confus. Dix mille convictions politiques y éclaircissent côte à côte leur conscience. Le balcon du Cercle agricole se garnit de vieillards bien mis qui pointent les voix et mettent la liste républicaine en minorité sur la foi des estafettes du collège vé ri fior ko in t crvalloo des Pères.

L'auto s'arrête en pleine foule avec un gémissement doux des freins. Le Voyageur, debout, comme un char- latan sur sa voiture de louage, se dévêt lentement et à gestes amples de son cache poussière.

Deux foules ne se ressemblent jamais. Mais la Bête a un certain reniflement auquel on ne se méprend pas deux fois. Seul de tous les bruits animaux, le grognement d'une porcherie peut se faire prendre pour celui d'une cage à fauves ; et il n'y a pas moins près du porc au tigre royal que du peuple content au peuple irrité.

— " Je ne connais pas bien cette satanée ville, et on ne peut plus faire un tour de roue sans écraser un élec- teur. Mais vous ne voulez pas que je vous conduise à votre hôtel ? "

demande le client derrière ses lunettes. Le Voyageur incline sa haute taille :

— " Vous ne les croyez pas méchants ?

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