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73^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

L'Assi Pastorelli. — Moi-même. Et moi tout seul. Je suis né en Corse, le pays le plus aromatique de l'uni- vers, et j'ai appris la vertu des simples. Je sais, — aidé de l'alcool naturellement, — tirer de chaque plante et de beaucoup de fruits, des essences bienfaisantes. Image de celle où nous devons plonger nos âmes, la macération des végétaux en extrait la plus profonde et bénéfique sub- stance. Madame, je vous supplie de goûter au moins un dé à coudre de ce vieux vin de Corse où ont habité quel- que temps quelques noix.

Madame de Chatel. — Je vous remercie, monsieur l'abbé, je ne prends jamais de liqueurs.

L'Abbé Pastorelli. — Mais ce ne sont pas des liqueurs. Ce sont des sèves, et même plutôt des émana- tions. Je vous en garantis la parfaite innocence,les propriétés magiques, et le goût.

M. de Chatel^ moins farouche^ se laisse tenter par un produit bizarre qui a la consistance du mercure^ et la limpidité d'un cristal de roche un peu doré. Cela sent le camphre et la citronnelle, et c'est doux à la bouche et à la gorge^ d'une douceur rassurante et loyale^ d'une douceur qui ne cache aucune arrière-pensée d'ivresse ou d'âcreté.

Monsieur de Chatel. — Je n'ai jamais rien goûté de pareil.

L'Abbé Pastorelli. — Il faut beaucoup de temps, de patience et d'attention... et puis d'étude. A quelque degré de science que l'on se croie parvenu, on n'est jamais sûr de ce qu'on tente. Ainsi, je prépare, pour la saison prochaine, un mariage de raison entre la baie du

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