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588 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de privations et la politesse exquise de son cœur sont des spectacles charmants qui m'attendrissent. Je ne l'aime pas, parce que de temps à autre elle me fait délier les cordons de ma bourse, mais pourtant je m'associe à ses maux. Or, voici que, lasse de son existence d'ouvrière sans travail, elle veut se faire putain. Elle l'est déjà un petit peu, mais elle se dispose à le devenir en grand. Je la catéchise. As-tu pensé parfois à ce que tu dirais à une jeune fille qui se disposerait à tourner mal ? As-tu mis en tête à tête les arguments que tu pourrais lui donner, avec ceux qu'elle invoquerait ? Je t'assure que dans les conditions sociales actuelles il est impossible d'avoir raison contre elle. Une ouvrière arrive à gagner 2 fr. 50 à 3 fr. par jour. 11 est bien évident que cela ne lui suffit pas et qu'elle doit se faire secourir. La plupart ne trou- vent pas le monsieur sérieux qui les adopte et leur fait partager sa vie. Alors elles doivent courir la prétentaine et risquer de se faire prendre par les agents des mœurs et de se faire mettre en carte. Les risques sont presque les mêmes que si elles étaient putains tout à fait. D'un autre côté aban- donner le travail c'est avoir toute sa journée libre. On peut dormir pour se reposer des noces de la veille. Et puis si l'on fait cela en grand, sans scru- pules, on gagne assez d'argent lorsqu'on est habile et jolie. Donc, ma petite Maria s'est acheté une robe de soie et se dispose à s'en servir comme

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