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PETITS DIALOGUES GRASSOIS 499

craint de manquer les arapèdes. Aussi ne veut-il pas entrer. Madame Vezzian est^ d'ailleurs, sur le pas de sa porte. Ce n'est pas qu'elle soit grosse, la pauvre, mais avec son moulin à torréfier le café installé en face d'elle, elle obstrue toute la rue. — C'est la rue qui est un peu étroite. — Elle tourne mélancolique- ment la manivelle ; sa figure a la couleur exacte d'un drap de toile bise, mais en plus maladif. Sans doute, son existence explique-t-elle ce phénomène. Elle vit en effet dans tin magasin en contre-bas d'une chaussée de deux mètres de large, et sa chambre à coucher, sans fenêtre, est en contre- bas de sa boutique. Un trou de renard. Mais les renards sortent pendant le jour en pleine nature. Madame Vezzian ne sort pas. Elle n'a jamais été plus loin que la place aux Aires. Elle est résignée, douce, d'une propreté méticuleuse, et si faible que sa voix, dans ce pays où pourtant on ne parle pas vilcy à l'air d'un écho plutôt que d'une voix.

Madame Vezzian. — Eh ! bonjour, monsieur Maurice, vous n'entrez pas un peu ?...

Maurice. — Non, madame, je suis très pressé. J'ai peur d'arriver trop tard au marché des coquillages. Ne vous dérangez point pour me laisser passer. Je prendrai ime autre rue.

Madame Vezzian. — C'est mon moulin qui barre la rue Droite. Il n'est pourtant pas de grande taille. Mais entrez quand même : j'ai reçu des biscuits très bons ; et mon vin de Chianti ne vous plaît donc plus ?

Maurice. — Si, madame. Mais un autre jour, voulez- vous ?

Madame Vezzian, découragée. — Comme vous vou-

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