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ISABELLE 461

— Quoi ! c'est vous qui l'avez fait tuer ?

Alors, laissant tomber à terre la lettre et le panier dont les menus objets se répandirent, elle courba son front dans ses mains et commença de sangloter éperdûment. Je me penchai vers elle et tentai de prendre une de ses mains dans les miennes :

— Non ! vous êtes ingrat et brutal.

Mon imprudente exclamation coupait court à sa con- fidence ; elle se raidissait à présent contre moi ; cependant je restais assis devant elle, bien résolu à ne la quitter point qu'elle ne se soit expliquée davantage. Ses sanglots enfin s'apaisèrent ; je lui persuadai doucement qu'elle avait déjà trop parlé pour pouvoir impunément se taire, mais qu'une confession sincère ne saurait la diminuer à mes yeux et qu'aucun aveu ne me serait plus pénible que son silence. Les coudes sur les genoux, ses mains croisées cachant son fi-ont, voici ce qu'elle me raconta :

La nuit qui précédait celle qu'elle avait fixé pour sa fuite, dans l'amoureuse exaltation de la veillée, elle avait écrit cette lettre ; le lendemain, elle l'avait portée au pavillon, glissée en cet endroit secret que Biaise de Gon- freville connaissait et où elle savait que bientôt il vien- drait la prendre. Mais, sitôt de retour au château, lors- qu'elle s'était retrouvée dans cette chambre qu'elle voulait quitter pour jamais, une angoisse indicible l'avait saisie, la peur de cette inconnue liberté qu'elle avait si sauvagement désirée, la peur de cet amant qu'elle appelait encore, de soi-même et de ce qu'elle craignait d'oser. Oui la résolu- tion était prise, oui le scrupule refoulé, la honte bue, mais à présent que rien ne la retenait plus, devant la porte ouverte pour sa fuite, le cœur brusquement lui manquait.

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