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45^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

brûlait. Rien plus ne saurait m'empêcher aujourd'hui, me redisais-je, et je souriais de sentir mes pas se presser à la seule pensée d'Isabelle ; ma volonté n'y pouvait mais ; une force intérieure m'activait. J'admirais par quel excès de vie cet accent de sauvagerie que la déprédation apportait à la beauté du paysage en aiguisait pour moi la jouissance; j'admirais que les médisances de l'abbé eussent si peu fait pour me détacher d'Isabelle et que tout ce que je

découvrais d'elle avivât inavouablement mon désir

Qu'est-ce qui l'attachait encore à ces lieux, peuplés de hideux souvenirs ? De la Quartfourche vendue, je le savais, rien ne devait lui rester ni lui revenir. Que ne s'enfuyait-elle ? Et je rêvais de l'enlever ce soir dans ma voiture ; je précipitais mon allure ; je courais presque, quand soudain, loin devant moi, je l'aperçus. C'était elle, à n*en pas douter, en deuil et nu-tête, assise sur le tronc d'un arbre abattu en travers de l'allée. Mon cœur battit si fort que je dus m'arrêter quelques instants ; puis, vers elle, lentement j'avançai, tranquille et indifférent pro- meneur.

— Excusez-moi Madame... je suis bien ici à la Quart- fourche ?

Un petit panier à ouvrage était posé sur le tronc d'arbre à côté d'elle, plein de bobines, d'instruments de couture, de morceaux de crêpe enroulés sur eux-mêmes ou défaits, et elle s'occupait à en disposer quelques lam- beaux sur une modeste capote de feutre qu'elle tenait à la main ; un ruban vert, que sans doute elle venait d'en arracher, traînait à terre. Un très court mantelet de drap noir couvrait ses épaules, et, quand elle leva la tête, je remarquai l'agrafe vulgaire qui en retenait le col clos.

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