SUR LE "TRISTAN ET ISOLDE " 3I
sent avec un malaise immense. Elles sont une in- vocation qui prend au bas de l'âme ; elles naissent comme une parole si sombre qu'elle nous était à nous-mêmes inconnue. Quand il touche les mornes limites de la sensualité, l'être, égaré, ne trouve plus à donner que sa mort : la mort en lui devient une sorte de sentiment démesuré, informe comme l'ombre et qu'il essaie pourtant de saisir et de présenter. La mélodie entreprend cette offrande formidable, elle bénit la dissolution avec une solennité violente, elle s'élève ainsi qu'une prière noire, elle est l'évasion des grandes eaux funèbres cachées au fond du cœur. — Comme elle ne par- vient pas à embrasser la mort, elle se recommence sans trêve ; elle semble puiser en elle-même un don qui toujours se dissipe. La volonté qui la porte ne cesse de faiblir et toujours retombe à l'océan des sens. Sitôt qu'elle s'est haussée, elle fléchit jusqu'à se reprendre. Elle est formée de longues phrases ascendantes que couronne l'éva- nouissement. — A ses défaites elle met une lenteur infinie et se répand en extases renonçantes. Renie- ment de toute espérance, bas amour de la perdition. L'élan de la mélodie s'achève par les transports accablés et interminables du détachement. Elle s'abandonne soudain, elle s'emplit d'un vaste déses- poir ravi, d'une débordante détresse, d'un apaise- ment épouvantable.
A tant de respirantes voluptés silence, le troî-
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