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338 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

existence, quand ses cheveux n'étaient pas gris ni ses épaules pesantes. Je voudrais que tu le visses. J'ai aussi un portrait de maman où elle a ses bons sourires et ses bons yeux brillants de vieille maman, et je l'aime. Quand tu viendras, je te montrerai ces choses, et je voudrais bien que tu comprennes leur vie de maintenant où ils se rendent heureux parce que ma sœur et moi nous sommes casés, et parce que leur petite bourse leur permettrait de vivre sans trop rien faire. Mon père travaille encore parce qu'il en a pris l'habi- tude, mais il cause souvent avec les voisines, il les fait rire, il est très drôle, il s'amuse comme un enfant avec les petits du cordonnier d'en face, il leur chante des chansons, il leur fait des niches, et c'est délicieux ! Maman, le soir, prend son bonnet gaufré qui a un ruban noir et coud auprès de la fenêtre, regarde dans la rue, cause, pense à nous, s'émeut, plisse ses lèvres de bonne femme attendrie. Il faudra que tu viennes là un jour. Tu verras mon père faire les sabots, et je t'affirme que c'est intéressant et gentil ; tu verras maman coudre tranquillement. Devant chez nous il y a une brouette, — ne ris pas, elle est très belle ! — C'est là que nous nous asseyons chaque soir ; nous nous y asseoirons, nous regarderons une girouette et des cheminées que j'aime, de vieilles maisons coiffées de travers ; les jeunes filles de mon quartier, et elles sont nombreuses et jolies.

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