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NOTES 3 I 5

n'a pu retenir. Elle n'a pas réfléchi. Elle n'a pas attendu de se comprendre. Aussi son impatience est saisie de modestie. Elle est ingénue comme la misère.

Cependant aucune crainte ne suffit plus à l'arrêter. Pas de honte, ni même de confusion. L'indigence qui la presse ne songe pas à rougir. Et non plus elle ne revendique rien, elle ignore la justice, elle ne réclame pas avec amertume son dû. Quel élan de la demande ! Quel repos en Celui vers qui s'élève la prière ! " Demandez et on vous donnera... Car quiconque demande reçoit. " C'est la voix de l'enfant qui n'est jamais repoussé. C'est l'animation de la confiance. La mélodie est pleine de rapidité ; l'espoir lui souffle mille paroles à la fois, l'espoir délie ses longues phrases agiles. Elle est multiple et active ; une claire précipitation, comme dans chaque feuille et dans toutes le vent qui parle, détermine ses notes, les entraîne. EUe se dépense en vives instances ; elle est toute déUbérée ; elle va aussi vite que le langage de la prière ; rien n'embarrasse la naïve générosité de son transport. Imploration décidée des choeurs ; à supplier ils mettent je ne sais quelle alacrité. Pas même dans les lamentations ne cesse ce rythme hardi. La plainte de Xénia ' ce n'est pas une mélopée ; c'est une détresse animée. Ce sont, dans une âme virginale, les soudains élance- ments du désespoir, les épreintes aigiies et timides du malheur: promptes retombées de la mélodie, poignante déprise.

��Pas plus qu'elle ne s'alanguit, la mélodie ne consent à s'en- velopper. Rien n'estompe sa limpidité. Elle est une ligne sans ombres. Elle se déroule, tout entourée de lumière, presque grêle tant l'isole la clarté. Les sentiments quand ils deviennent très conscients se peuplent de sous-entendus. Mais en voici de trop nouveaux pour souffrir les réticences. Ils se récitent tout entiers dans un chant sans retraits. Ils se donnent en une phrase na'ive ; ils ne songent pas qu'ils puissent s'enrichir de dissimulations. Aucun de ces détours, de ces secrets et de ces

  • Boris Godounoff. Acte II, p. 95 de Ja partition russe.

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