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190 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

douces exceptions. Si pourtant, je le reconnais, Racine choisit de préférence les héros les plus exces- sifs, mais n'est-ce pas précisément pour échapper à l'élégie, à l'irrémédiable modération de ses moyens et de son style personnel ? Ce style, il avait trop de goût sans doute, pour consentir à le surcharger de placage, à le gonfler, à l'étirer, à l'essouffler ; donc, il l'accepte tel, — le subordonne : serviteur de la passion. Mais quelle révolte là-dessous 1 11 compte sur la fureur d'un Oreste ou d'une Her- mione pour l'animer spontanément d'un autre accent 1

Racine ne veut pas être Racine. A la fatalité de sa nature il n'échappera pas toujours. Aucune de ses pièces où ne se glisse, fût-ce par la bouche d'un personnage secondaire, un peu de sensualité dou- cereuse, quelques tendres mots... Et Madame lui commandera Bérénice... Et l'amour, ressort obligé d'une tragédie qui se soutient par le jeu de l'intri- gue, lui offrira trop d'occasions de soupirer... Mais qu'on ne s'hypnotise point sur ses tragédies dites "amoureuses", qui ne sont pas si exclusive- ment amoureuses qu'on le prétend. Partout ailleurs et même ici, quel acharnement à s'étendre, à se dépayser, à se multiplier ! Aussi semblables entre eux m'apparaissent les personnages de Corneille, et entre elles ses tragédies, (dans la même gamme éclatante et sourde), univoque, aussi divers les per- sonnages, diverses les tragédies de Racine, par la

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