Page:NRF 5.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

150 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

du moins, " fît-elle en se levant, " il ne l'avait pas prévue! On ne saurait tout prévoir. Tant pis pour lui !..." Et elle sortit lentement du salon.

Comme elle traversait la terrasse, deux jeunes hommes qui causaient dans un coin se dirigèrent vers elle. Crispée, prête au moindre mot à prendre l'offensive, elle redressa la tête. Mais le geste cavalier que lui adressa l'un des deux hommes fît subitement tomber son énervement. Afin de mieux considérer les jeunes gens, elle s'arrêta. Tous deux lui étaient également inconnus ; à l'air de cordiale familiarité dont ils la saluèrent, on eût cru cependant qu'une longue intimité les autorisait : spontanément elle leur tendit la main. Désinvoltes, déjà, ils l'accablaient à l'envi de propos enjoués et galants. Pour gagner du temps, elle ne répondait pas et examinait tour à tour ses inter- locuteurs qui, sans plus s'attarder à de vains ambages, s'enquéraient du but de sa promenade, et enfîn, du ton le plus naturel, lui proposèrent de pousser ensemble jusqu'au Pavillon.

Un étrange appétit de déconsidération soudain décida l'Ombrageuse. Ses yeux brillèrent : " Va pour le Pavil- lon ! fît-elle. Permettez seulement que je dépose au préalable une lettre à la poste... Après, je serai toute à vous... "

Il ne lui fallut pas aller bien loin pour trouver ce qu'elle cherchait. Au premier tournant de l'allée, Isabelle découvrit une boîte accrochée au tronc d'un arbre. Ses paupières à cette vue battirent ; d'un mouvement instinc- tif; elle serra contre elle, comme pour le cacher, son petit porte-cartes, et se mettant à parler au hasard, elle se hâta d'entraîner les deux hommes. Du reste, indignée

�� �