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FERMINA MARQUEZ 773

Surtout il craignait d'être laissé seul avec Fermina. Il n'était plus aussi certain de n'avoir pas été ridicule, avec ses phrases sur son génie, pendant leur dernière entrevue. Il la regardait à la dérobée. Il ne s'étonnait pas qu'elle eût renoncé à ses idées d'humilité et de piété ; cela lui semblait naturel : nous survivons à nos sentiments comme nous survivons aux saisons. Il y avait dans son beau corps une force centrale, toute puissante, dont ses pensées et ses désirs, et ses sentiments, n'étaient que des modes passagers. Elle était plus belle que jamais et semblait avoir grandi. En sa présence, il sentait qu'il n'était qu'un enfant. Il n'était pas fait pour être aimé d'elle ; il n'aurait jamais dû l'aimer.

Il voulut prendre congé. Mais il dut écouter les remer- ciements de Marna Doloré : " M. Léniot, vous avez eu tant de bontés pour mon neveu que je n'ai pas voulu vous témoigner ma reconnaissance en paroles seulement. Acceptez donc ce petit objet ; puisse-t-il vous faire penser quelquefois à nous. " Elle lui tendit un petit paquet, un écrin enveloppé dans un papier de soie. Joanny rougit. Sa fierté l'inclinait à refuser. Il allait refuser lorsque Fermina Marquez passa près de lui, et murmura : " Ac- ceptez. " Il lui obéit, remercia en peu de mots, et s'éloigna.

Ce ne fut qu'à la fin de l'étude du soir qu'il se décida à ouvrir l'écrin. C'était une montre en or, avec la chaîne; une chaîne épaisse et lourde. Le cadran était d'or. Sur la cuvette étaient gravées ses initiales : J. L. Il eut un in- stant de gaie surprise. La montre de M. Léniot père n'était guère plus belle que celle-ci. L'écrin portait le nom d'un bijoutier de la rue de la Paix. Marna Doloré

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