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LA MORALE ET LA PEDAGOGIE DE M. BARRES 619

bon sens de Descartes, tout entier en un chacun, l — (car enfin, il y a des " géomètres qui ne sont que géomètres, et des fins qui ne sont que fins "), au moins est chez tous les hommes de même nature. Le coeur, pour Pascal, est " une sorte de raisonnement. " 8 II est aussi indépendant de l'individu (au sens où Taine prend ce mot) que l'intuition, qui nous révèle, selon M. Bergson les rapports du corps et de l'esprit, est indépendante de la complexion naturelle ou de l'humeur nationale de ce philosophe. Le cœur est une raison à sa manière, c'est-à-dire qu'il est ordre et liaison; mais une raison " naturelle, tacite et sans art, " infiniment plus subtile que l'autre, et dont le vivant mouvement échappe à la raison géométrique, qui dans son exercice l'implique. Le cœur, c'est l'activité spontanée de l'intelligence, qui pose sans déduction les principes dont le géomètre déduit les conséquences, mais qui n'est pas du tout libre de les poser comme il lui plaît et qui surtout les pose toujours de la même manière. Si le cœur a ses raisons, il a aussi sa vérité. Et pour bien compren- dre ce que Pascal entend par " cœur, " il n'est que de se reporter au fragment 282 des Pensées : 3

1 M L'expression en passe tous les hommes, et le sentiment n'en appartient qu'à peu d'hommes " (Pensées I, i. p. 319).

2 Pensées, p. 318. — Boutroux "Science et Religion" p. 28. Voir aussi Rauh: " La Philosophie de Pascal " (Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux 1892). —

3 Pensées, p. 459.

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