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��51 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qui force et faiblesse sont mêlées de la façon la plus émou- vante et qui, même vaincues et mutilées par la vie, ne s'aban- donnent jamais complètement, qui mettent au contraire leur vaillance à ne pas nous donner le spectacle d'une créature aux abois. Les trois grandes scènes où ce caractère se révèle sont fortes, prenantes, et d'un singulier pathétique. Henri Bataille n'a rien mis au théâtre de meilleur.

Et pourtant, malgré cette belle figure de premier plan, malgré cette unité de la pièce, malgré tant de jolies inventions de mots ou de jeu, on se demande ce qui manque à la Vierge folle pour donner cette impression de solidité, de plénitude rassise, de nécessité des détails, qui fait qu'on ose souhaiter à une œuvre l'épreuve du temps ? Est-ce parce que çà et là quelques phrases imprudentes jettent dans cette œuvre, par ailleurs si franche du collier, un soupçon de thèse et de plai- doyer ? Combien on souhaiterait voir couper une déplorable scène où l'Amant et le Prêtre débitent les pires rengaines sur les droits de l'amour ! Cette impression viendrait-elle encore de ce que des considérations éphémères, mondaines viennent rapetisser le sujet du drame ? Pourquoi faut-il que la jeune émancipée soit d'origine aussi exceptionnelle ! Que viennent faire ici ce duc, cette duchesse, ce jeune duc, race convention- nelle qui garde son prestige sur le public et à laquelle, pour cette raison, notre théâtre porte encore une affection servile ? M. Bataille pense-t-il fortifier les péripéties de sa pièce en les aggravant de malentendus sociaux ? Mauvais calcul, car l'éti- quette sociale dispense trop aisément de la motivation psy- chologique. Les idées et les goûts des ducs ne nous intéressent plus guère. Si nous voulons en trouver l'expression vraie, c'est dans les œuvres d'il y a trois cents ans que nous irons la chercher. Tout père qui aime tendrement sa fille, qui est fier d'elle, souffrirait, dans une catastrophe analogue, d'aussi poignantes angoisses que cette famille ducale. Peu nous chaut à la vérité que la vierge compromise ait été recherchée en mariage par " les plus grands noms de France ". On peut même dire que des parents, moins préoccupés de leur maison, trouveraient peut-être des accents plus humains et que nous

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