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5IO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

plein air, dans un lieu et dans des circonstances tout-à- fait profanes ? La religion qu'on nous enseignait à Saint- Augustin semblait ignorer ces élans. On nous tenait avec soin éloignés de la théologie et du mysticisme. Notre aumônier, un ancien aumônier militaire, avait plutôt l'air d'un vieux gentilhomme et d'un vieux soldat que d'un prêtre. La messe et les vêpres, le dimanche, avaient aussi quelque chose de militaire : on y assistait en grand uniforme, et les domestiques, dans leur meilleure livrée, étaient mêlés à nous. En sorte que la Religion était, pour la plupart d'entre nous, associée à des sentiments de discipline et de décorum. C'était un guide infaillible dans les hésitations de la conscience ; c'était un abandon de nous-mêmes à la Providence ; une grande et resplendis- sante espérance. Et nous la respections d'autant plus que nous en parlions moins.

— Vous m'étonnez," murmura Joanny.

— Peut-être pensez-vous que c'est le désir d'une récompense qui m'attire vers mon Dieu ? Mais comment peut-on le voir sur Sa Croix, et ne pas l'aimer, l'aimer pour lui-même ; l'aimer même sans espoir de résurrection et de salut ? Mais l'aimer, c'est aussi espérer en lui, c'est l'attendre à chaque instant ! "

Joanny, en l'écoutant, croyait voir l'envers de la vie. Les joies mondaines, la richesse, la gloire même, de- venaient méprisables et insupportables. Elle remuait en lui tant de pensées qu'il ne lui en voulait pas, de dépré- cier les choses qu'il estimait le plus. Pêle-mêle, il enten- dit un panégyrique de S te Rose de Lima, à qui iisait-elle, elle s'efforçait de ressembler ; et elle lui dit qu'elle aurait voulu souffrir tous les tourments de la Croix. Un jour

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