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322 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAIS1

de leurs vertus et de leurs vices. Ce ne sont pas les vertus les vices qui font l'homme. C'est l'homme qui donne leur couleur à ses vertus et à ses vices. Devant toi les hommes ne se confondent pas comme les bêtes d'un troupeau. Et tu les distinguais comme les enfants savent distinguer l'Ogre du Petit Poucet,

Ta tendresse était le sentiment puissant que tu avais de la race humaine. Cela te paraissait si important d'être un homme.

La tradition des coutumes était pour toi moins valable que l'éternité des passions humaines au cours des temps.

Une lettre de Claudel, que tu m'as montrée, fut à tes yeux le plus bel éloge de Bubu. Il évoquait à propos de Berthe Méténier et du triomphe du mal, ces trois mots de Tacite, parlant d'une petite fille de douze ans que le bourreau viola avant de la tuer : Et oppressam jugulavit.

Tu aimais les hommes, selon le son d'humanité qu'ils rendaient. Quand tu parlais d'un ami, il semblait que tu cherchais le point essentiel, qui fût le centre de son cœur.

Je ne savais pas si tu croyais que tous pouvaient être sauvés. Tu parlais souvent de ceux qui se sont retranchés de l'huma- nité.

��On n'a pas parlé de ton orgueil. Mais les meilleurs de tes amis, les plus proches l'ont connu. Quand on respecte les hommes, on est isolé parmi eux. Ton orgueil avait la même source que ta tendresse. Ceux qui aiment, choisissent. Et cela c'est l'orgueil.

Je pense à cette chanson, qui te plaisait, de l'arbre dans le jardin, de l'oiseau dans l'arbre, du cœur dans l'oiseau et du billet d'amour dans le cœur de l'oiseau. Ton orgueil était au plus " cher endroit " de toi-même. Tu n'avais pas besoin de le crier. Il était ta vie. Tu étais Charles- Louis Philippe, piqueur de la Ville de Paris. Et tu accomplissais ta tâche, qui était de peser les hommes au poids de leur tendresse et de leur force. Tu pensais qu'il fallait connaître toute la tendresse des hommes, pour connaître toute leur force. Che toi la pitié n'était pas un attendrissement humilié. C'était

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