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NOTES 3 J 3

sous nos yeux un visage et un caractère, n'est faite que pour justifier par une sorte de prédétermination naturelle les événe- ments qui vont suivre et auxquels Marie Donadieu se pliera docilement. Afin de mieux informer cette figure d'adolescente, Philippe s'est comme installé en elle ; c'est du dedans qu'il nous fait signe ; pas un accent, pas un geste noté par lui qui ne corresponde à quelque mouvement interne, à quelque secrète réalité de la jeune fille... Que Lyon, dès lors, brusque- ment découvert, fixe les incertaines aspirations dont Marie se consumait, que Raphaël, étudiant fruste, mais sain et qui sait ce qu'il veut, leur donne un sens et une fin, que par la caresse et la volupté il délivre les forces qui s'ignoraient en la vierge, nous n'en sommes ni surpris, ni peines. Tant d'ardeur, un si franc goût de vivre, nous pressentions bien selon quelle pente il leur faudrait couler !.. Pas une fois, néanmoins, Philippe n'a pris position, mais comme en chacun de ses ouvrages, tout son art, toute sa préparation ne vont qu'à rendre moralement nécessaires les péripéties auxquelles il contraint ses héros de s'affronter. Peut-être même, pour ne point sembler trop aisé- ment expliquer, s'est-il gardé de prononcer le mot d'instinct. C'est là pourtant le Maître dont Marie désormais sera disposée; à Paris, où Raphaël l'entraîne, c'est lui qui commandera son existence, bien plus qu'un amant qui, somme toute et à son insu, n'est à ses yeux que l'instrument d'une fatalité intime. Elle le trompera du reste, sans presque être infidèle, simplement parce qu'il est des heures où la chair a ses raisons.

Une voix, entre- temps, a commencé de parler auprès d'elle. Marie a rencontré Jean Bousset, et voilà le tournant de son histoire. Ce jeune homme dont la parole éclaire toute idée, qui trouve le mot qu'il faut pour chaque sentiment et sait donner une signification aux frémissements les plus obscurs de la vie, déjà le Père Perdrix nous avait appris à le connaître, tranquille, humble et assuré à la fois, comme quelqu'un qui a choisi sa place et s'y tient invariablement. Ce regard, cependant, ces inflexions, et cette volonté qui, pour ne point paraître trop tendue, dissimule son objet, ah ! ce n'est pas seulement un personnage de roman qu'ils nous font reconnaître, mais une

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